L’ÉVENTAIL

 

shàn

 

 

Les premiers écrits mentionnant les éventails en Chine datent de la dynastie Jin (265-420), même si on peut affirmer que ceux-ci étaient connus en Chine antérieurement. Il semble que les premiers éventails aient été rigides et fabriqués avec des plumes. L’idéogramme chinois 羽 désignant la plume est intégré à celui désignant l’éventail shàn 扇. Leur monture pouvait être en bambou, en ébène, en ivoire, en corne, en écaille de tortue, en jade, en métal et autres matériaux précieux. Il semble qu’ils aient été essentiellement utilisés pour les cérémonies, l’autre caractère ayant servi à former l’idéogramme les désignant étant hù 户 dans lequel avec un peu d’imagination on peut deviner le dessin d’une porte. Les éventails deviennent plus petits et leurs feuilles sont souvent faites de soie, matériau souple et solide à la fois, qui permet aux peintres et calligraphes de s’approprier ce nouveau support. Au IXème siècle Zhāng Yànyuǎn dans son livre Peintures célèbres à travers l'Histoire, raconte comment Buo Yang, qui était chef archiviste pendant la période des Trois royaumes (220-280) eut l’idée de peindre sur des éventails pour Cáo Cāo, premier ministre, général et poète du royaume de Wèi. Un jour, par erreur, il laissa tomber une goutte d'encre noire sur un éventail et pensa la camoufler en une mouche, une idée esthétiquement contestable, mais qui eut du succès. Une autre légende mentionne Wáng Xīzhī, un maître de la calligraphie qui vivait à l’époque de la dynastie des Jìn de l’ouest (les successeurs des Wèi). Celui-ci orna les éventails d’une vieille marchande qu’il avait prise en pitié d’une calligraphie de sa main et la persuada malgré ses doutes initiaux de les proposer à un prix bien supérieur à celui du marché. Les acheteurs, chasseurs d’autographes, friands de nouveauté ou fervents amateurs d’art (l’histoire ne le dit pas) se précipitèrent. Il semble toutefois que c’est plus tardivement et surtout à partir de la dynastie Tang (618-907) qu’écrire des poèmes et peindre sur les éventails soit devenu une mode destinée à durer et même une branche majeure de la peinture chinoise. De plus, les éventails avaient une utilité sociale, permettaient de se cacher le visage, de présenter ou de recevoir un objet, d’accompagner la danse, de battre la mesure, ils étaient aussi offerts en cadeau et servaient à entretenir le souvenir des disparus.

L’éventail n’était pas seulement chinois, il s’était implanté en même temps au Japon sous la forme d’un écran rond, l’uchiwa 団扇 qui ne se pliait pas. Pendant la période Heian (794-1185), un mot qui signifie paix en japonais, la version pliable, le sensu 扇子 fit son apparition. Son inventeur en aurait eut l’idée au VIIème siècle en observant une chauve-souris et la manière dont ses ailes s’ouvraient et se refermaient. Au Japon, l’éventail est un accessoire fondamental de plusieurs expressions artistiques, dont le théâtre kabuki. C’est aussi dans l’archipel nippon qu’au XVème siècle, les daimyos, les chefs de guerre, portaient des Gunbai 軍配 (l’abréviation de Gunbai Uchiwa 軍配団扇, littéralement éventail de guerre) en bois laqué qui leur servaient à faire des signaux à leurs troupes ( et qui sont encore utilisés par les arbitres de Sumo) ainsi que des Gunsen 軍扇, des éventails pliants à la monture d’acier qui pouvaient leur servir de protection lors d’un combat. Les Tessen 鉄扇, pliables eux-aussi, semblaient plus innocents mais faisaient partie de l’entraînement de certaines écoles d’arts martiaux, car ils étaient destinés au combat lorsque les armes plus classiques faisaient défaut.

 

L’éventail plié s’implanta en Chine (en passant probablement par la Corée) et y connut une destinée comparable : accessoire de scène, objet pratique ou d’une esthétique raffinée, arme de substitution sous la dynastie mandchoue des Qing (1644-1911) qui interdisait le port des armes blanches, sa popularité ne se démentit jamais.

Citons le général Chen Jitong 陳季同, attaché militaire de l'ambassade de l'Empire de Chine à Paris et premier Chinois francophone publié en France en 1884 : « Le peuple achète l'éventail tout écrit et peint, tandis que les gens du monde n'achètent que des éventails blancs et demandent aux personnages distingués d'y mettre leur autographe et un dessin de leur main. Certains collectionneurs possèdent jusqu'à des centaines d'éventails : ce sont nos albums d'autographes, de dédicaces ou de dessins ».

 

Alors qu’au XXème siècle l’éventail disparaît de la vie quotidienne des Occidentaux (qui en avaient importé de Chine trois siècles plus tôt), il reste en Chine un objet courant, mais de fabrication traditionnelle, il est décoré et sculpté avec finesse et précision. Il en existe par exemple en bois de santal, tánxiāng shàn 檀香扇, qui est agréablement parfumé et peut aussi, lorsqu'il est rangé dans les placards, chasser certains insectes nuisibles.

 

L’ÉVENTAIL DE TAI JI


tài jí shàn

 



太极扇


L'éventail que nous utilisons pour nos enchainements semble fragile et inoffensif et pourtant…

C’est une arme défensive qui permet de dévier ou bloquer un coup avec le "plat" de l'éventail s’il est ouvert, ou avec l’éventail fermé.
Il désoriente l’adversaire, le perturbe quand il est en mouvement, attire son attention et restreint son champ visuel.
Le bruit retentissant lors de l’ouverture est aussi un facteur déstabilisant pour l’adversaire.
Il permet aussi de se protéger, il tient le rôle de bouclier de substitution, il maintient l'adversaire à distance  quand il est ouvert et tenu devant soi, horizontal ou vertical. Mais il masque aussi le moment ou l’on se rapproche de lui pour attaquer.

C’est une arme offensive:
Un éventail ouvert peut servir à feinter et à masquer une attaque de poing ou de pied par exemple.
Un éventail fermé, en métal, et même en bambou permet de frapper comme un bâton court. Il peut être utilisé pour « piquer » avec les extrémités comme une épée, ce qui est très efficace si le coup est porté sur un des points vitaux essentiels. Une des cibles privilégiées est la tête.
On peut aussi utiliser son tranchant pour couper: c'est ce que l'on a le plus de mal à imaginer, il faut l'admettre... Encore que l'on puisse se couper avec une simple feuille de papier!
L’éventail doit être le prolongement du corps, et ses mouvements sont l’expression de l’énergie qui anime le pratiquant. Les mouvements précis, circulaires et fluides, sont caractéristiques des techniques à l’éventail et en font une arme parfaitement adaptée aux arts martiaux internes. Ils partent du centre ne sont donc pas facilement lisibles par l’adversaire. Ils développent l’équilibre, la souplesse et la dextérité et permettent de délier doigts et poignets. En effet, c’est une arme fragile, dont la faiblesse doit être compensée par la vivacité et la technique.

Xī Yáng Měi...


un bien beau coucher de soleil…


夕阳美


Xī Yáng Měi est le nom de la forme  Tài Jí Gōng Fu Shàn 2 qui compte 56 mouvements, la forme 1 plus ancienne n’en comptant que 52. Cet enchaînement est différent des enchaînements de "Tai Ji éventail" classiques, et son nom annonce la couleur: il y a du Kung Fu dans l'air...
Cette forme a été créée par Maitre Li Deyin après le succès qu'a connu son premier enchaînement lors des J.O. de 2008 et m’a été enseignée par sa fille Faye Li Yip qui est déjà venue à plusieurs reprises en France. Très riche en techniques, en déplacements et en changement de tempo, le Xī Yáng Měi est très agréable à réaliser. Accessible à tous, chacun peut y avancer à son rythme et y prendre plaisir. Vous trouverez dans la rubrique téléchargements le pdf listant les noms techniques et poétiques des mouvements composant cette forme, mouvements inspirés de plusieurs arts martiaux et styles différents.